Articles | Volume 76, issue 3
https://doi.org/10.5194/gh-76-315-2021
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Book review
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14 Jul 2021
Book review |  | 14 Jul 2021

Book review : Sentir-penser avec la Terre : l'écologie au-delà de l'Occident

Irène Hirt

Escobar, A. : Sentir-penser avec la Terre : l'écologie au-delà de l'Occident, Seuil, Paris, 225 pp., ISBN : 978-2-02-138985-2, EUR 35.75, 2018.

Arturo Escobar, anthropologue colombien et professeur émérite de l'université Chapel Hill (Caroline du Nord, États-Unis), fait partie de ces intellectuels qui marquent les idées de leur temps. Dans les années 1990, il s'est fait connaître mondialement pour sa contribution au «post-développement» (Escobar, 1995), ensemble de théories critiques soulignant la dimension culturelle et coloniale du «développement». Il participe en outre au collectif de penseurs latino-américains «Modernité/Colonialité/Décolonialité» (MCD) qui a donné un nouveau souffle à la pensée critique en Amérique latine au cours des trois dernières décennies. Si le MCD s'inscrit dans le mouvement intellectuel lancé par les études postcoloniales, il ne s'en distingue pas moins : son objet d'étude n'est pas le colonialisme et ses effets sur les sociétés contemporaines, mais la «colonialité»1, c'est-à-dire la géopolitique du pouvoir, du savoir et de l'être ayant résulté de la conquête européenne des Amériques à partir de 1492, et dont les effets de domination perdurent jusqu'à nos jours à l'échelle planétaire; la naissance de la modernité en tant que rationalité subjective et système culturel étant, dans cette perspective, concomitante à celle de la colonialité (Bourguignon and Colin, 2016 : 100).

Sentir-penser avec la Terre constitue une synthèse inédite en langue française de la pensée et de l'univers conceptuel d'Arturo Escobar. Le texte de 225 pages a été traduit et adapté de l'espagnol2 avec l'aide d'Escobar par l'Atelier La Minga, un collectif de traducteurs-trices créé en 2017. Comme le précise la préface, son objectif est de faire connaître les auteurs latino-américains décoloniaux en France où le débat sur le décolonial et le postcolonial a eu du mal à pénétrer le monde universitaire, y suscitant des controverses en rapport avec l'idéal républicain et le passé colonial français. Contrairement à l'Amérique latine, où tant les chercheur-es universitaires que les mouvements de résistance historiques à la colonisation portugaise et espagnole se sont emparés du terme décolonial, en France, celui-ci a surtout été approprié par le monde militant lié au féminisme, à l'antiracisme et à la défense des intérêts des personnes issues de l'immigration, exclues de l'imaginaire dominant de la nation3 (Escobar, 2018, préface : 17).

Le texte se structure en cinq chapitres très denses, mais rédigés dans un langage clair et pédagogique, bien que restant difficile d'accès pour un public non universitaire. Les deux premiers chapitres brossent un panorama des théories critiques émergentes en Amérique latine : les alternatives au développement dont le Buen Vivir, la pensée décoloniale, le postextractivisme, etc. Dans les chapitres 3 et 4, Escobar développe sa propre théorie : la perspective ontologique «pluriverselle» et «relationnelle». Le chapitre 5 esquisse quant à lui les grandes lignes d'un programme de recherche visant à installer durablement les «études sur la transition» écologique et sociale qu'Escobar souhaite voir advenir. J'approfondirai ici quatre aspects centraux du livre, susceptibles d'intéresser la géographie dans des champs aussi divers que les études postcoloniales et décoloniales, l'écologie politique, l'anthropologie des sciences et des techniques, les mouvements sociaux, ou encore la décolonisation des savoirs (cette énumération n'est pas exhaustive).

Premièrement, Sentir-penser avec la Terre s'inscrit dans le «tournant ontologique» amorcé par l'anthropologie au début de ce siècle4, avec des répercussions sur l'ensemble des sciences humaines et sociales. L'ontologie est définie par ce courant comme les «présupposés que nourrissent les différents groupes sociaux quant aux entités existant réellement dans le monde» (Escobar, 2018 : 74), et quant aux réalités surgissant des relations qui se tissent entre elles. Ces «entités» sont composées d'humains et de non humains : les animaux, les plantes, les minéraux, les artefacts, etc. Une multiplicité d'ontologies peuvent ainsi co-exister dans l'espace ou se succéder dans le temps5.

Escobar s'attelle à l'une des tâches chère à ce tournant ontologique : la déconstruction de l'ontologie dite «dualiste» caractéristique du monde occidental moderne. D'une part, il remet cette dernière «à sa place» (Escobar, 2018 : 130), en décrivant les configurations historiques de pouvoir ayant contribué à la naturaliser et à l'imposer mondialement, avec son lot de croyances en l'«individualisme», la «science», l'«économie» et le «réel». D'autre part, il revient sur ses dichotomies multiples : la nature et la culture, le corps et l'esprit, l'Occident et le reste du monde, le séculaire et le sacré, la raison et l'émotion, ou encore l'individu et la société. L'anthropologue colombien oppose l'ontologie dualiste à l'ontologie «relationnelle» qui conçoit le monde comme étant tissé de réseaux et de connections entre humains et non humains formant des «communautés» relationnelles. Cette ontologie, nous dit Escobar, défend l'idée d'un «plurivers», à l'instar des Zapatistes qui, dès le début de leur insurrection au Chiapas en 1994, avaient plaidé pour «un monde dans lequel tiendraient de nombreux mondes» (Escobar, 2018 : 76). Elle contraste ce faisant avec l'ontologie dualiste qui n'admet qu'un seul monde partagé par toutes et tous ; autrement dit, qu'une seule et même réalité «objective» (la nature), interprétée selon différentes «perspectives» (les cultures). Selon Escobar, les mondes du plurivers ne sont pas réductibles les uns aux autres mais peuvent se recouper partiellement et communiquer entre eux. En outre, bien que sans cesse changeants, ils atteignent des cohérences historiques, et certains d'entre eux s'imposent parfois aux autres, rendant leur existence impossible en tant que telle. Enfin, les ontologies ne se limitent pas à des idées, des représentations ou des imaginaires : d'une part, elles existent à travers des récits donnant à comprendre les principes de composition du monde concerné ; d'autre part, elles s'incarnent ou s'«énactent» (Escobar, 2018 : 114) à travers des pratiques créatrices de mondes (raison pour laquelle les termes de «monde» et d' «ontologie» sont parfois considérés comme équivalents). Les pratiques scientifiques et technologiques, généralement perçues comme axiologiquement neutres ou valables universellement, n'y font, bien sûr, pas exception. Pour autant, en aucun cas, souligne Escobar, il ne s'agit d'avoir une posture anti-science ou anti-technique car celles-ci doivent jouer un «rôle central dans la reconstitution des mondes permettant aux humains et aux non-humains de co-exister» (Escobar, 2018 : 78).

Les processus par lesquels les mondes se constituent et interagissent, ainsi que les conflits et négociations entre mondes ou à l'intérieur d'un monde, sont analysés par Escobar selon les approches de l'«ontologie politique» qu'il a développées avec Marisol de la Cadena et Mario Blaser (lui-même à l'origine du terme), respectivement anthropologues péruvienne et argentin. L'ontologie politique s'attache à comprendre aussi bien la dimension politique de l'ontologie (comment celle-ci est traversée par des rapports de pouvoir) que la dimension ontologique de la politique (de quelle façon cette dernière est structurée et influencée par des mondes en compétition ou en interaction). Ses questionnements portent sur le type de monde engendré par tel ou tel type de pratiques, sur les processus donnant lieu à certaines «réalités» plutôt qu'à d'autres, et sur les conséquences de l'ensemble de ces phénomènes pour un groupe donné (humain ou non humain). Par analogie avec les identity politics ou les cultural politics, on parlera alors d'ontological politics.

Deuxièmement, chez Escobar, la dimension politique de l'ontologie est intimement liée aux crises écologiques et sociales du monde contemporain. Non seulement la rationalité dualiste, par son opération d'abstraction qui tend à absoudre les êtres humains de leurs responsabilités vis-à-vis de l'environnement, est à l'origine de la crise écologique; mais encore, la plupart des conflits environnementaux ne se limitent pas à des luttes pour le territoire et les ressources naturelles ; elles révèlent «un écart entre des visions différentes de la manière dont est composé le monde» (Escobar, 2018 : 25; souligné en italique par moi), autrement dit, des «différences radicales», plutôt que des différences entre «cultures» (cette dernière notion restant tributaire de la croyance en l'unicité du monde «réel»)6. Une montagne, pour prendre cet exemple souvent cité par Escobar, pourra éventuellement être détruite (via des activités minières, par exemple) si elle est appréhendée dans une perspective dualiste moderne la considérant comme un «objet» isolé, inerte et manipulable ; le traitement qui lui est réservé sera tout différent si cette montagne est perçue comme une entité sensible et animée, s'inscrivant dans une relation sociale, plutôt qu'une relation de sujet à objet. Ce point est essential dans l'échafaudage théorique de l'ontologie politique puisqu'il ouvre le terrain de la politique aux non humains (Escobar, 2018 : 124).

Chercheur engagé, Escobar assume pleinement le fait que les chercheur-es ne sont pas neutres axiologiquement. Aussi est-il directement impliqué dans les luttes du Proceso de Comunidades Negras (Processus des communautés noires – PCN), une organisation de communautés afro-descendantes qui défendent leurs territoires face aux menaces extractivistes, développementalistes et armées des dernières décennies dans la région du Pacifique Sud, en Colombie. Escobar (2018) leur reconnaît une grande clarté conceptuelle et politique. D'ailleurs, si le concept de «sentir-penser» est inspiré du sociologue colombien Orlando Fals Borda pour souligner le caractère inextricablement mêlé et immergé du corps et de l'esprit dans le monde, Escobar le mobilise pour décrire la manière dont ces communautés afro-descendantes sont connectées au territoire et comment elles y ancrent leurs connaissances.

L'anthropologue se réclame de la décolonisation épistémique radicale défendue par la pensée décoloniale du MCD, laquelle donne résolument plus de place que le courant postcolonial aux savoirs et histoires des «acteurs qui habitent les bords extérieurs du système hégémonique» (Escobar, 2018, préface : 12). Il est en effet convaincu des potentialités émancipatrices des conceptions du monde et des propositions politiques des peuples afro-descendants, des peuples autochtones ou encore des mouvements paysans d'Amérique latine. Leurs connaissances peuvent, selon lui, permettre de produire des «imaginaires de la transition» et des alternatives aux savoirs des «experts» issus des institutions étatiques, universitaires ou du secteur privé qui reflètent les valeurs d'un «monde en voie d'effritement» (Escobar, 2018 : 28). Mais cette décolonisation épistémique implique d'inverser la hiérarchie habituelle des connaissances considérant la science comme supérieure aux autres formes de savoirs qui se retrouvent généralement invisibilisés et disqualifiés. C'est pourquoi Escobar répète-t-il tout au long de l'ouvrage la nécessité d'encourager un dialogue symétrique entre les analyses universitaires et les interprétations critiques du monde hors académie, portées par un nombre croissant d'activistes, de chercheur-es ou d'intellectuel-les lié-es à des luttes sociales et environnementales concrètes. Selon lui, le monde universitaire se doit d'accompagner plus franchement ce renouveau social. Escobar se défend néanmoins d'une vision idéalisée ou romantique des peuples afro-descendants : il soutient que loin d'être tournés vers le passé, ils sont au contraire résolument contemporains, dotés d'une conscience aiguë de la vie et des changements radicaux imposés par la situation planétaire. C'est pourquoi il les considère comme avant-gardistes, porteurs d'une utopie «réaliste» (Escobar, 2018 : 99).

La «relationalité» serait par ailleurs également caractéristique d'autres sociétés non occidentales ou non modernes ayant conservé une existence territoriale ou des pratiques culturelles qui «excèdent» l'influence de la modernité (Escobar, 2018 : 76). En réalité, bien que tous les mondes de la planète vivent désormais sous l'influence du système politique et culturel libéral, ils ne sauraient pour autant être appréhendés exclusivement à partir de ses postulats (démocratie, marché, individu, ordre, rationalité). Pas plus que le recours à des pratiques modernes, à la science ou à la technologie (par exemple, Internet) n'annule leur différence vis-à-vis de ce qu'on appelle modernité. Par ailleurs, Escobar avance que les espaces où les imaginaires et les pratiques sont davantage marqués par la modernité, le régime culturel du marché ou de l'individu, tels que les zones urbaines, sont aussi concernés. Les jeunes urbanisés, notamment, expérimentent la comunalité et la relationalité à travers l'art et la musique, et trouvent de nouvelles manières de se connecter à l'alimentation, à la campagne ou à la spiritualité. En Europe, cette vision pour d'autres modèles de vie, d'économie et de société est pratiquée dans les «Zones à défendre» (ZAD) qui résistent à des projets d'aéroport ou des sites d'enfouissement nucléaire. Lorsque les Zadistes affirment : «nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend» (Escobar, 2018 : 128), ils-elles expriment le fait que cette dernière est un assemblage relationnel d'êtres devant avoir voix au chapitre quant aux choix politiques. L'exemple des ZAD est d'ailleurs plus longuement développé dans la postface rédigée par la journaliste Anna Bednik7, avec l'objectif de créer des convergences entre l'univers conceptuel d'Escobar et les luttes de territoires en Occident. Mais pour Escobar, il subsiste cependant une différence significative entre les nouvelles formes et récits de militantisme cherchant à produire des transitions culturelles et écologiques dans le «Sud» et ceux du «Nord» global. Si les premiers se présentent comme des alternatives à la modernité, créatrices de mondes, les secondes restent majoritairement des modernités alternatives. Les germes d'ontologies non «ethniques les plus crédibles dans le «Nord» seraient en outre à trouver dans les formes d'agroécologie non dualistes proposées par des mouvements comme Via Campesina.

Le troisième aspect que je souhaite souligner est que, tout comme dans ses ouvrages précédents, Escobar accorde une place privilégiée au territoire, créant ainsi un dialogue qui n'est que trop rare entre anthropologie et géographie. Escobar reprend du géographe brésilien Porto Gonçalves (2002)8 sa définition du territoire comme étant l'appropriation socio-culturelle (territorialisation) d'un espace géographique créant les conditions pour l'émergence des identités et des territorialités (Escobar, 2018 : 99ss); une définition qui est somme toute assez proche de celle du géographe franco-suisse Claude Raffestin, dont Porto Gonçalves cite d'ailleurs les travaux. Escobar reconnaît également à Porto Gonçalves d'avoir été l'un des premiers à relever dans les années 1980 l'évolution des revendications des peuples afro-descendants et autochtones, non plus pour des «terres» mais pour des «territoires», perçus comme des espaces de vie animés, plutôt que de simples supports matériels inscrits dans une relation instrumentale d'usage. Ces mouvements sociaux ont ainsi forgé une rationalité territorialisée distincte de celle de l'État-nation moderne, comprise non pas en termes de propriété – si ce n'est collective –, mais d'appropriation effective par le biais de pratiques culturelles, agricoles ou économiques. Arturo Escobar enrichit les perspectives du géographe brésilien avec la notion de «territoire-région», partant ici aussi du cas des communautés afro-descendantes de Colombie qui vivent sur un vaste ensemble fluvial articulant de petits territoires aux limites poreuses et non fixes. De tels territoires-régions, nous dit Escobar, représentent une alternative viable pour un usage raisonné de la biodiversité et pour des projets de développement durable. Ils permettent en outre aux groupes concernés de mener une lutte pour la «réexistence» (Escobar, 2018 : 111–112) en se revendiquant comme des unités juridiques et légales dans le dialogue avec l'État, afin de viser l'autonomie, à savoir la capacité de se définir elles-mêmes et leurs propres normes d'existence et de co-existence. Les mouvements sociaux comme le PCN, en établissant un lien intime entre territoire et culture, créent ce qu'Escobar avait déjà qualifié dans un ouvrage précédent (Escobar, 2008) de «territoires de la différence». Pour lui, il s'agit là de propositions historiques importantes, bien qu'elles aient par la suite été banalisées par les tentatives de récupération de la Banque mondiale et des États libéraux.

Pour terminer, l'argument ontologique, bien qu'il soit de plus en plus accepté et approprié en sciences sociales, rencontre aussi ses sceptiques et ses détracteurs qui n'y voient qu'une version revisitée du concept de culture. D'ailleurs, Escobar conçoit lui-même qu'accepter l'idée de l'existence d'un plurivers relève d'une «position éthico-politique» (Escobar, 2018 : 77) qui, à défaut de pouvoir être démontrée comme «vraie», si l'on ne veut retomber dans un dualisme épistémologique radical, doit plutôt être éprouvée et vécue dans ses implications réelles (Escobar 2018 : 132). Par ailleurs, l'une des limites du livre réside dans la vision quelque peu simplifiée des acteurs ou des mouvements sociaux du «Sud», tels que le PCN. Si l'auteur insiste sur les conflits entre mondes dualistes et non dualistes, il ne détaille jamais les contradictions, les négociations ou les conflits à l'intérieur d'un même monde, lesquels auraient permis d'éviter ce qui peut apparaître comme une vision idéalisée ou naïve des peuples afro-descendants ou autochtones. En outre, bien que l'on comprenne toute l'importance de penser les convergences «Nord-Sud» face à des problèmes toujours plus globaux, Escobar est peu convaincant dans l'extension de son analyse aux mondes urbains et, par-delà l'Amérique latine, à des exemples situés au «Nord». Il admet d'ailleurs lui-même que dans la plupart des cas, ces luttes-là ne parviennent pas à sortir du cadre de la modernité. L'élargissement géographique et sociologique a le mérite toutefois de mettre le doigt sur un ensemble de pratiques ou de mouvements sociaux qui sont au cœur de l'actualité et pour lesquels les sciences sociales peinent encore à trouver des cadres théoriques pertinents. Il est rafraîchissant également de pouvoir lire des auteur-es qui nous viennent de régions du monde où le lien entre engagement social et politique, d'un côté, et recherche scientifique, de l'autre, s'inscrit dans une tradition déjà ancienne en sciences sociales. Cela contraste avec la frilosité et la suspicion que suscitent sous nos latitudes les chercheur-es qui tentent de concilier leurs questionnements et pratiques scientifiques avec des luttes citoyennes ou politiques. Pourtant, c'est précisément sur le plan des propositions politiques esquissées par l'auteur pour sortir de la crise écologique que l'on reste sur sa faim. On ne voit pas bien comment il est concrètement possible de convaincre les «masses» d'adhérer à des mondes relationnels susceptibles de sortir l'humanité entière de la crise écologique. Il reste que c'est un livre inspirant et stimulant. L'écho qu'il rencontre dans le monde entier dans les diverses langues de publication en est très certainement la preuve.

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Références

Bourguignon, C. and Colin, P. : De l'universel au pluriversel. Enjeux et défis du paradigme décolonial, Raison présente, No. 199, 99–108, 2016. 

Clammer, J., Poirier, S., and Schwimmer, E. (Eds.) : Figured worlds : ontological obstacles in intercultural relations, University of Toronto Press, Toronto, Buffalo, 2004. 

Descola, P. : Par-delà nature et culture, Gallimard, Paris, 623 pp., 2005. 

Escobar, A. : Encountering development : the making and unmaking of the Third World, Princeton University Press, Princeton, N.J, 1995. 

Escobar, A. : Territories of difference : place, movements, life, redes, Duke University Press, Durham (NC), 435 pp., 2008. 

Escobar, A. : Sentir-penser avec la Terre : l’écologie au-delà de l’Occident, Seuil, Paris, 225 pp., 2018. 

Porto Gonçalves, C. W. P. : Da geografia às geo-grafias : um mundo em busca de novas territorialidades, Instituto de Investigaciones Histórico-Sociales-Universidad Veracruzana, Veracruz (Mexico), 2002. 

Quijano, A. : Colonialidad y modernidad/racionalidad, Peru Indíg., 13, 11–20, 1992. 

Tsantsa : Dossier : L'anthropologie et le tournant ontologique, Société suisse d'ethnologie/Editions Seismo, accessible à l'adresse suivante https://bop.unibe.ch/Tsantsa/issue/view/1099 (last access : 13 July 2021), 20, 2015. 

1

Le terme a été forgé par le sociologue péruvien Quijano (1992) au début des années 1990.

2

Le texte original en espagnol a été publié en 2014 aux éditions UNAULA (Universidad Autónoma Latinoamericana) (Medellín, Colombie) sous le titre : Sentipensar con la tierra. Nuevas lecturas sobre desarrollo, territorio y differencia.

3

Note de l'auteure : le terme commence également à être approprié dans la sphère académique et sociale en Suisse, et, dans certains cas, à remplacer l'usage de l'adjectif «postcolonial».

4

Citons les travaux de Philippe Descola, Tim Ingold, Eduardo Viveiros de Castro, Marisol de la Cadena et Mario Blaser. Au sujet du «tournant ontologique» en anthropologie, voir le numéro spécial de la revue Tsantsa (2015). D'autres champs disciplinaires, comme la sociologie des sciences et des techniques, ont contribué à des réflexions complémentaires ou proches sur les ontologies.

5

Par exemple, Descola, dans son ouvrage désormais classique Par-delà nature et culture (2005), identifie quatre ontologies.

6

La dimension ontologique des conflits environnementaux a déjà été mise en évidence par d'autres. Voir par ex. Clammer et al. (2004).

7

Bednik est aussi membre du collectif Aldeah (Alternatives au développement extractiviste et anthropocentré).

8

Porto Gonçalves a réfléchi à la question de la territorialité en lien avec le mouvement des seringueiros travaillant dans les plantations d'hévéa (latex), et dont les droits ont été défendus par le syndicaliste Chico Mendés dans les années 1980.